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www.AlbumRock.netInterview: Romain humeau (leader du groupe Eiffel)
C'est par une journée orageuse du mois de mai que nous avons pris le chemin du File 7 où le rendez-vous était pris avec
Romain Humeau pour évoquer la sortie de son
premier album solo. Après presque 1 heure de balances pour le concert du soir, nous l'accompagnons dans sa chambre d'hôtel non loin de là, un rien impressionnés d'avoir
le leader d'Eiffel dans notre voiture. Dans l'intimité de sa chambre où à son grand regret la télévision est déjà allumée, le chanteur se prête au jeu de l'interview...
AR: On a l'impression que cet album solo s'est en quelque sorte imposé à toi ...
Romain Humeau: Ouais. C'est sur la fin de la tournée d'Eiffel que je commence à m'en rendre compte mais pas longtemps avant. C'est très sain, très simple, très logique me semble t-il.
Eiffel a eu un parcours particulier avec plus de temps en indépendants que signé avec albums et tournées. En tout c'est
7 ans à fond avec Eiffel, avec toutes les joies et les galères, qu'on a vécu à fond. Comme on n'a pas pour but de cartonner, ça on s'en fout, on a décidé de faire une pause dont on n'a pas fixé la durée mais dont on sait qu'elle durera plus d'un an. Donc moi je me retrouve à la fin de la tournée d'Eiffel avec une chiée de chansons. Car je n'écris pas pour Eiffel, pour moi ou pour faire des albums, mais seulement parce que j'en ai besoin. C'est dans ce sens là que cela s'est imposé à moi. Généralement ceux qui n'ont pas bien écouté disent que c'est comme Eiffel, et d'autres qui ont mieux écouté trouveront qu'effectivement certains morceaux sont dans la lignée d'Eiffel, mais que d'autres comme "Je m'en irai toujours", "L'éternité de l'instant" ou "La mort sifflera trois fois" ne sont pas du même trip, c'est juste autre chose.
AR: Mais sur les albums d'Eiffel on a vu tellement de choses différentes que tout pourrait être du Eiffel finalement ?
Romain Humeau: Là tu touches à un point qui est difficile à aborder mais c'est vrai. Personne ne sait encore quelle gueule aura le troisième Eiffel. Mais il sera différent. Ça vient un peu de moi quand même. Y'a une sorte d'amour de la musique avant tout avec un penchant prononcé pour la chose rock, même si j'aime pas tout dans le rock. Mais faut pas tout mélanger parce qu'il y a des connards comme les Inrocks qui n'ont pas écouté ce qu'a fait Eiffel et qui se permettent de dire que c'est la crise ado. Ça a toujours été éventuellement des suggestions de l'adolescence, mais ça n'a jamais été adolescent dans la manière de le dire. Ils mélangent le signifiant et le signifié, ce qui pour des lettrés est une grave erreur à mon avis. Mais je ne suis pas en guerre je m'en fous, je ne vis pas à travers les médias. Pour revenir au style musical, si j'aime la chose rock c'est parce qu'à tout moment, elle peut devenir extramusicale. Ça touche au bruit, à une sorte d'attitude, qui peut être considéré comme "jeune" ou "fun", mais dans mon cas c'est plus politique. C'est ce que disait John Lennon, écrire une chanson est un acte politique, dans le sens où ça me permet de mieux vivre.
AR: Sinon Eiffel s'est arrêté, mais toi tu n'aimes pas ça les vacances ?
Romain Humeau: En fait Eiffel est là, il ne fait pas d'album et pas de concert en ce moment, mais Eiffel est là. Déjà Estelle est ma femme, et on fait plein de trucs ensemble en ce moment comme s'occuper du K.O Social, donc c'est comme si Eiffel était un peu dans le truc. Emiliano (batteur d'Eiffel), joue avec moi sur scène et a joué un peu dans l'album. Et Damien ne fait plus partie du groupe, il est maintenant dans Luke et ne reviendra pas.
AR: Tu es encore signé chez Labels comme avec Eiffel, tout s'y passe bien donc ?
Romain Humeau: Bah ouais, tant qu'on peut. Ce n'est pas gagné pour que ce soit éternel, car ils sont en train de se faire happer par Virgin. Après il se trouve que Labels, avec Barclay d'ailleurs, sont les deux labels qui restent encore un peu "tête chercheuse", mais qui vont bientôt disparaître. De toute façon dans 3-4 ans l'idée de maison de disque n'existe plus. En fait ce sont les mêmes gens qui ont signé Eiffel qui m'ont signé, mais je ne leur ai même pas demandé car on parle en concret, y'a des chansons, donc on fait des trucs.
AR: Musicalement, as-tu essayé de te démarquer d'Eiffel ?
Romain Humeau: En fait je fais du ping-pong entre la musique et les textes. C'est ça mon truc. Ça s'est un peu installé à partir du "Quart d'heure des ahuris" ou je faisais la musique avant, d'ailleurs ça s'entend sur les textes. Y'a deux trois trucs dont je ne suis pas trop fier même si je reste assez fier de l'ensemble. J'écris des fois des musiques sans textes, des textes sans musique. Et souvent les textes me donnent envie de faire une autre musique que ce que j'ai fait mais en prenant des bouts. Donc ça devient vraiment des trucs qui vivent tout le temps, qui se mélangent. En fait je ne me pose pas trop la question. Je laisse tomber l'idée d'être expérimental, ou peut-être en parallèle, car pour moi, à partir du moment où c'est une chanson, la musique doit être au service des textes.
AR: Il a déjà été dit que le rock français s'engouffre dans la brèche laissée par Noir Désir, que penses-tu de ça ?
Romain Humeau: C'est vite fait ! Je pense que tout ça c'est de la merde. Et je ne parle pas des groupes. Penser comme ça c'est gravissime. C'est à la fin de la tournée des spéciaux d'Eiffel que nous avions décidé de faire une pause qu'on avait prévu depuis déjà 4 mois. Puis il s'est passé ce que l'on sait et on nous dit "ça vous fait de la place". Et aujourd'hui je suis hyper heureux qu'Eiffel en tant que groupe de Rock soit en pause rien que pour ça. Si cela n'avait pas été le cas, nous aurions de toute façon trouvé un moyen de retarder les choses. Je pense aussi que la relève de Noir Désir, c'est Noir Désir ou rien du tout. D'ailleurs ni Bertrand, ni Sergio, ni Nini, ni Jean-Paul n'ont dit que Noir Désir c'était fini.
AR: Tu as enrichi "L'éternité de l'instant" avec pas mal de cordes, de chœurs et de sons en tous genres. Tu ne t'es pas imposé de contrainte vis-à-vis du live ?
Romain Humeau: Non en général je ne me pose pas cette question là de la couleur que peut avoir un disque et de la façon dont elle pourra être retranscrite sur scène. Tout est jouable sur scène. En même temps j'aurais bien aimé qu'on entende le violon manouche. Je voulais monter une troupe rock sur scène pour qu'il y ait vraiment une différence mais là on se retrouve à 4 ce qui est assez similaire à Eiffel.
AR: Tu dit que tout est jouable et pourtant "Je m'en irai toujours" ne fait pas encore partie de la set list …
Romain Humeau: Effectivement c'est le seul morceau qui me pose problème. "Je m'en irai toujours", c'est celui qui commence à toucher à ce que j'aimerais faire de manière beaucoup plus prononcée et qui touche vachement à la prod. Là sans la prod ... mais on va le faire ... à quatre !
AR: Ce soir ?
Romain Humeau: Non pas ce soir !
AR: Oh non …
Romain Humeau: Je suis désolé ! Je sais qu'il y a quelques personnes qui commencent à le vouloir mais celui là est plus difficile que les autres. Mais je suis Bélier ascendant Bélier donc on va y arrivé.
AR: "S'enflammer" n'est pas sans rappeler un certain "Where is my mind" des Pixies ?
Romain Humeau: Ouais c'est 4 notes.
AR: C'est un hommage ?
Romain Humeau: Non ce n'est pas un hommage c'est une citation. Et il n'y a pas que celle-ci, il y a aussi "The man who sold the world" dans "Prends ma main". C'est un truc que font souvent les anglais et les américains, mais en France si tu le fais on dit que t'as tout pompé. Mais sur un disque solo, je me suis rendu compte que c'était là que tu pouvais dire merci à Bowie, merci à Frank Black, et que tous les gens comprennent que ce n'est qu'une citation. D'ailleurs ce n'est que 4 notes, le reste se barre ailleurs mais il suffit que de ça. Frank est lui-même un adepte de ce genre de chose et pompe une chiée de trucs aux Kinks par exemple.
AR: Tu as écrit "A toi" pour Jane Birkin, mais au final n'est-ce pas mieux qu'elle ne l'ait pas prise et que tu aies pu la garder pour toi ?
Romain Humeau: Me dit-on ...
AR: Tu n'as pas d'avis ...
Romain Humeau: J'ai un rapport assez bizarre avec cette chanson. Il y a beaucoup de gens qui me disent l'aimer beaucoup. Et ce qui est très étonnant, c'est que ma mère adore, mais qu'elle passe aussi pour la petite minette gothique de 14 ans du premier rang qui écoute aussi Rammstein ou Neurosis. Elle touche peut-être par rapport au texte, à l'ambiance. C'est doux mais la voix est assez crado aussi. On me propose régulièrement d'écrire pour des gens mais dans 99,99% des cas je refuse car c'est pour des gens, certes connus, mais que je n'apprécie pas des masses. Mais pour Jane Birkin, j'ai dit "ouais, ouais, ouais" et en dix minutes elle était faite. Mais ce n'était pas pour moi. En plus elle a adoré et l'a proposée à quelqu'un, en l'occurrence Bashung, mais cela ne s'est pas fait. De là on me dit que je devrais la garder. Et finalement je l'ai fait et je ne le regrette pas et je commence à avoir du plaisir à la faire.
AR: Y'a t-il d'autres personnes pour qui tu aimerais écrire ?
Romain Humeau: Le problème c'est qu'il y a plein de gens pour qui j'aimerais écrire, mais qui sont déjà des gens qui écrivent cent milles fois mieux que moi. Jane Birkin était l'occasion rêvée, car c'est une interprète. Donc là comme ça, j'aurais du mal à te répondre. Ou sinon collaborer, là oui. Ça pourrait être Christian des "Têtes Raides", Higelin, j'aimerais bien pour Bashung aussi, Brigitte Fontaine ... je ne sais pas. Si ! Il y a un mec que j'adore, qui a bien la classe, c'est Mathias Malzieux de Dionysos. Il est charmant, super sensible, c'est une bête de scène et je trouve qu'ils ont un univers super particulier à proposer. En plus son style est super loin du mien. J'aimerais bien essayer, enfin on verra.
AR: C'est vrai qu'il a des textes assez spéciaux jusque là !
Romain Humeau: Ouais mais j'aime beaucoup les textes spéciaux. Sans faire de concours, certains de mes textes sont spéciaux et utilisent des métaphores. Mais lui est encore plus dans le métaphorique, on ne comprend pas.
AR: Tu proposes un DVD où tu montres ta manière de travailler, entre autres.
Romain Humeau: Quand il y a un DVD à côté d'un disque tout le monde croit que c'est la personne qui chante qui a fait un DVD. Alors qu'en fait c'est un film de Claude Clorennec, un pote à moi. C'est venu d'une discussion au tout début quand j'enregistrais les maquettes. Je lui ai dit que j'avais envie de changer tout. Je suis parti dans mes délires et lui ai dit qu'il fallait que l'on donne tout artistiquement sans rien demander à la maison de disque. Et comme c'est un mec qui a un cœur en or, qui est un passionné de musique et qui a adoré mes maquettes, il m'a dit: "Ok, moi si je le fais c'est de A à Z, je finance tout, je ne demande rien à labels, je suis partout, et par contre, tu te laisses filmer tout le temps". C'est son film. Je l'ai vu monté, finalisé, et donc c'est son regard à lui, très Arté, très "Strip-tease" en fait.
AR: La suite immédiate, c'est un nouvel album solo avant Eiffel ?
Romain Humeau: J'ai laissé entendre sur mon site que je ferai peut-être un disque avant, et je le ferai peut-être ou peut-être pas. Il y a des chansons qui sont trop vieilles pour aller sur le nouvel album d'Eiffel car j'ai envie qu'il soit frais. Donc je ferai peut-être bien un album à la Johnny Cash avec juste un micro entre la voix et la guitare et j'enregistrerai les chansons à la suite en une journée. Et sur le Net. Et il y a aussi un projet Vian car il a écrit presque 350 textes de chansons dont 100 seulement ont été mises en musique. Donc le reste, ça reste à faire même si tous ne sont pas géniaux. Mais ça je n'ai pas envie de le faire moi-même.
J'ai un studio et je veux offrir l'opportunité de faire gratuitement ce projet là avec des artistes avec qui on se trouve. C'est une idée couplée avec un projet d'un ami, Olivier Nuc qui écrivait dans Aden. Il va y avoir une exposition en 2009 à la Cité de la musique pour les 50 ans de sa mort. Donc on va faire un truc énorme. Mais sinon la priorité c'est Eiffel même si j'espère tourner en solo jusqu'en août 2006. Mais ça n'empêche pas de commencer d'enregistrer.
par Lilian
Un grand merci à Romain Humeau et à Elo.
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